13 mai 2024
Bâtir l’estime de soi prend forme dans la famille. – Réflexion inspirée de Grand-Papa Pierre.Lorsqu’on parle d’éducation des enfants, on pense d’emblée à des techniques et des stratégies pour les diriger dans ‘’la bonne direction’’ : succès scolaires, politesse, savoir-vivre en société, sens des responsabilités, etc. C’est du moins l’époque de mon enfance qui, avouons-le, n’était pas parfaite (rien n’est parfait)… Mais voilà que, depuis quelques années, la notion d’estime de soi est apparue comme une nouvelle tendance : on avance qu’une bonne estime de soi fait que les gens sont plus heureux et réussissent mieux dans la Vie. Si c’est pour améliorer ce qui se faisait avant, pourquoi pas? Ainsi, nombreux sont les parents qui, par amour pour leurs enfants, s’engagent dans cette voie plus moderne: « Il faut leur donner une bonne estime d’eux-mêmes!’’
Selon mon expérience et mes observations, l’estime de soi, plus subtile et difficile à saisir, pourrait être une notion mal comprise par certains parents, trop centrés qu’ils sont sur les résultats de l’éducation et peut-être pas assez à l’écoute de l’enfant. Ils croient qu’il faut simplement le convaincre qu’il est « extraordinaire ». C’est ainsi que le parent de bonne foi s’engage dans des pratiques orientées à cette fin.
Valorisations exagérées et jugements « trop » positifs: cette façon de valoriser l’enfant pour tout ce qu’il fait, même les choses les plus futiles se doivent d’être remises en question. Ainsi, les quelques gribouillis tracés rapidement avec des crayons de couleur ne méritent pas la valorisation digne d’un Picasso. Et l’enfant le sait. Il est préférable de simplement décrire, sans jugement, son œuvre : « Je vois que tu as utilisé le crayon rouge pour tracer un genre de cercle et un crayon vert pour tracer une ligne en zig-zag, etc.… ». C’est ce qu’il a choisi de faire et il se sent respecté ainsi. Pas nécessaire de s’exclamer à trouver que son dessin est tellement beau. L’estime de soi ne se fait pas en valorisant la médiocrité ou la nonchalance. De plus, les jugements rendent l’enfant dépendant du jugement des autres (très mauvais pour l’estime de soi). Ce qui n’empêche pas de lui suggérer le défi de s’appliquer à faire un dessin que lui trouvera beau…Et de reconnaître l’effort avant l’esthétique. Et si tu le trouve beau son dessin, simplement lui dire honnêtement. Voilà de la matière pour construire son estime de soi.
Encouragements exagérés : exprimer à l’enfant un niveau d’encouragements comme s’il avait la trempe d’un prix Nobel ou d’un athlète olympique en regard de performances scolaires ou sportives « ordinaires » appelle également une remise en question. Il est préférable d’être à l’écoute de ce que l’enfant vit derrière ses performances et d’être reconnu pour ses efforts et ses difficultés. Un encouragement déconnecté de sa réalité risque de créer un sentiment d’isolement ou d’incompréhension. Authenticité et compassion envers soi-même constituent un autre élément important pour construire son estime de soi.
Éviter les règles « trop » restrictives, croyant ainsi laisser libre cours à « toute » la créativité compatible avec une personne extraordinaire. Cela envoie également à l’enfant l’image qu’il est incapable de suivre des règles et d’en comprendre la valeur, très mauvais pour son estime. En réalité, qu’une maison fonctionne en harmonie avec des règles en autant qu’elles sont bien expliquées et justifiées, se doit d’être compris par tous ceux qui y vivent. Et lorsque l’enfant s’applique à suivre des règles qui contribuent à une meilleure ambiance pour lui-même et pour ceux qui l’entourent, on veillera à reconnaître sa contribution. Il devient une personne utile et appréciée, propice à construire son estime de soi. Par ailleurs, sa créativité, dont le fruit sera mieux encadré et mieux reconnu, enrichira son estime de soi.
Responsabilités de choisir pratiquement tout ce qui le concerne de près ou de loin, croyant ainsi lui donner plus d’importance. Il y a des choses qu’il peut choisir et des choses pour lesquelles il n’a vraiment pas le choix. C’est au parent d’en faire la distinction. Certains parents vont jusqu’à inclure des décisions importantes relatives au fonctionnement de la famille où l’expérience et l’autorité parentales sont mises de côté de peur de contrarier l’enfant dans ses choix. Or, cette peur de contrarier l’enfant lui reflète une image de faiblesse : de lui-même et de ses parents qui n’assument pas leurs responsabilités parentales. N’oublions pas que, de savoir composer avec des contrariétés constitue une matière première prisée pour construire l’estime de soi.
Il appartient au parent d’exercer sur ses enfants la première autorité. Puisant dans son estime de soi, il donne l’exemple d’une personne qui s’assume et qui se manifeste par des choix empreints de bienveillance et de responsabilité, destinés à harmoniser l’équilibre des besoins de tous les membres dans la famille. Ce qui constitue un exemple et une référence incontournables pour guider l’enfant dans la construction de son estime de soi. Sans cette autorité « primaire », l’enfant aura tendance à discréditer toute forme d’autorité et de s’exempter de tout ce qui ne lui convient pas. Le manque d’autodiscipline et les échecs scolaires lui feront rater les meilleures expériences dont il a besoin pour construire son estime de soi.
Dénigrer certaines personnes de son entourage (professeurs, amis, etc.) pour préserver son image d’être « extraordinaire », mieux que les autres. J’ai déjà eu connaissance de situations où les piètres résultats scolaires de l’enfant étaient excusés par « l’incompétence de son professeur ». Un beau défi à proposer à l’enfant: « C’est ta responsabilité de trouver les moyens pour réussir même avec ce professeur ». Le dénigrement des autres peut devenir aisément l’excuse d’une déresponsabilisation et de ses malheurs. Il est préférable de reconnaître les compétences des gens qui nous entourent et de créer des liens avec eux; c’est avec les autres que se créent les meilleures occasions pour construire l’estime de soi.
En conclusion : L’estime de soi demeure la responsabilité de l’enfant : c’est à lui de la construire à partir de ses réussites, de ses accomplissements, du dépassement de ses propres limites, etc… Pour le parent, cela est beaucoup moins exigeant et onéreux que d’entretenir une personnalité royale. Par contre, le parent, en puisant dans sa propre estime de soi, offrira son exemple en tant que personne responsable et qui a de l’estime pour lui-même.
L’encadrement de son autorité légitime qui accompagne son enfant dans les expériences de la Vie, son regard bienveillant, son écoute, sa confiance en l’enfant en lui reflétant ses capacités, et des suggestions de défis constituent la matière première que l’enfant utilisera pour la construction de sa propre estime, qu’il poursuivra toute sa vie car il aura appris comment…