8 novembre 2023
Être à l’écoute. Réflexion inspirée de Grand-Papa Pierre« Nous avons une bouche et deux oreilles car il nous faut écouter deux fois plus que parler ». Ou encore : « Sachez écouter et l’on vantera votre don pour la conversation! » Ou encore : « Dans nos conversations d’aujourd’hui, on n’écoute pas pour comprendre; on écoute pour répondre! » Voilà donc quelques énoncés à nous faire réfléchir sur l’écoute, cet élément essentiel de toute bonne communication.
Au début des années ’80, quand j’ai commencé à donner des cours de Parents-Efficaces, on a abordé les différents modes d’écoute parmi les techniques de base de communications parentales : l’écoute passive, les simples réceptions, les invitations à s’exprimer davantage, les reformulations et la fameuse écoute active avec son judicieux décodage/reflet de l’émotion chez l’autre. C’était comme une révélation! On comprend que les notions mêmes de l’écoute étaient (et encore aujourd’hui) quelque chose d’inhabituel. Pourtant, l’expérience démontre ceci: l’écoute permet d’ouvrir les esprits et de mieux comprendre ce que chacun vit comme préoccupations et émotions dans la famille pour ainsi plus d’harmonie; et j’ajouterais : comme support à la santé mentale et antidote à la dépression.
C’est bien beau les techniques d’écoute mais, pour que ça marche, celle-ci a besoin de la bonne disposition de l’esprit; d’où le titre : être à l’écoute. Explorons d’abord les défis de cette disposition.
En guise d’exercice, durant un temps à la maison, j’ai suggéré aux parents de prendre une pause d’une quinzaine de minutes de ce qui les tenait si occupés, et de simplement rester là, à ne rien faire, à simplement rester présent à leur enfant. Très difficile, me disent-ils!
Un autre exercice : lorsque ton enfant arrive de l’école, sois présent à son énergie, son humeur, son « non verbal », pour saisir comment il se sent et quelle est son émotion au terme d’une journée à l’école; est-il content de rentrer à la maison? Aurait-il quelque chose à exprimer suite à un évènement de la journée?
On le sait : les parents de tous temps ont plutôt tendance à « éduquer » leur enfant, c’est-à-dire, lui apprendre ce qu’on attend de lui. Dans ce contexte, les parents eux-mêmes sont déjà suffisamment préoccupés de leurs responsabilités qu’ils en oublient ce que l’enfant vit ou ressent dans tout ça. Ce qui ne manque pas, parfois, de susciter quelques résistances de sa part. En ce qui me concerne, je ne me rappelle pas d’avoir été particulièrement écouté durant mon enfance, comme probablement pourraient en témoigner de nombreux adultes. L’écoute n’a jamais vraiment été à la mode, non seulement dans de nombreuses familles mais dans la plupart des instances de notre société.
On finit par perdre le sens de la valeur de l’écoute. En conséquence, nombreux sont ceux qui ne sont que rarement écoutés; ils compensent ce sentiment de solitude qui en résulte, par des addictions de toutes sortes (drogues, réseaux sociaux, influences néfastes, etc.) ou par des rencontres avec des « spécialistes » de l’écoute, tel que des psychologues (heureusement, lorsqu’ils sont disponibles…).
Et les familles n’y échappent pas. En fait, notre époque a ses défis bien particuliers. Elle nous offre, à chaque jour, une panoplie de choses qui se veulent des plus intéressantes alors qu’elles se bousculent toutes pour avoir notre attention : l’actualité et ses nouvelles de peurs, les téléromans et leurs drames, les derniers cris de la publicité, les textos, les réseaux sociaux, les courriels, les jeux vidéo, etc. Facile aujourd’hui d’être accaparé par tout ça, bien plus que d’être à l’écoute. Parfois, des gens importants qui aimeraient bien avoir plus de notre attention, ne parviennent pas à trouver leur place dans toute cette mouvance peu favorable à l’écoute. Par exemple, conduire une voiture avec attention, ou prendre une marche dans la Nature, ou promener le Pitou, ou accompagner les enfants au parc, tout cela est souvent en compétition avec ce qui se passe sur le petit écran qui, maintenant, nous suit partout.
Ce n’est même plus vécu comme un problème puisque, le plus souvent, ceux qui mériteraient de notre attention se consolent de la même façon en demeurant captifs de tout ce qui les accapare, eux aussi. On comprend que ce « bruit » porté par nos téléphones cellulaires, nos écrans d’ordinateur, nos téléviseurs et nos nombreux soucis qui en résultent, fait de l’écoute une activité suspecte à l’égard de tout ce qui me sollicite et que je ne dois pas manquer.
Et pourtant :
- La personne écoutée se sent valorisée, comprise, tout en appréciant l’attention qu’on lui accorde.
- La personne qui écoute s’en trouve libérée d’être moins centrée sur elle-même et connaît l’autre davantage.
- La relation entre les deux est harmonisée et consolidée.
- Dans une famille, l’ambiance familiale est ainsi beaucoup plus harmonieuse et constructive.
Tout ça pour dire que, selon moi, savoir être à l’écoute constitue une capacité essentielle à mon propre bonheur et à celui de ceux qui m’entoure.
En fait, elle constitue une capacité inhérente aux êtres humains, essentielle à leur nature grégaire, c’est-à-dire, cette forte tendance à vivre en communauté. Mais encore! C’est quoi « être à l’écoute »? On le sait tous plus ou moins : je dois d’abord consciemment prendre une pause de ce qui m’occupe et me préoccupe, et faire place à une sorte de silence intérieur (inconfortable ou inhabituel pour plusieurs). Il s’agit ensuite d’activer une disposition d’ouverture de l’esprit, ce qui demande un certain effort pour mobiliser mon attention vers cette personne à écouter (mon enfant, mon conjoint, mon père, ma sœur, mon collègue, etc.). Certains jugements à l’égard de cette personne vont possiblement se pointer; simplement les mettre de côté en se rappelant que ces jugements ne sont que la création de mon mental et ne peuvent que brouiller mon écoute.
On comprend que cette disposition d’ouverture de l’esprit demande un certain effort pour mobiliser mon attention, à une époque où c’est surtout le moindre effort qui est encouragé. Il faut donc que le sujet à écouter suscite la motivation nécessaire pour passer à l’action.
À toi de choisir ceux et celles que tu es disposé.e à écouter sachant que c’est le premier geste pour enrichir ta relation avec des personnes importantes pour toi.
Avec la pratique, être à l’écoute devient naturel et nous ouvre à la beauté des gens et du monde.