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10 juillet 2023

L’anxiété dans la famille. Ce qu’en pense Grand-Papa Pierre

Comment ça va dans ta famille?

En fait, si je pose la question, c’est que, ces temps-ci, dans mon entourage, autant chez les enfants que chez les parents, le terme « anxiété », est souvent évoqué. Et toi? Est-ce qu’il y a de l’anxiété dans ton milieu familial? Que peut bien en être la cause?

Ce qui m’interpelle, c’est que l’anxiété est maintenant évoquée comme une condition presque normale, pour une émotion particulièrement troublante de peurs et d’inconforts qui se traduisent souvent par des problèmes de comportements, de santé ou d’apprentissage; problèmes d’ailleurs souvent présents dans bien des familles. Selon moi, lorsqu’on parle d’anxiété dans la famille, un milieu qui devrait être plutôt réfractaire à ce genre d’émotion, voilà un indicateur qui mérite réflexion.

Permets-moi de partager ma réflexion de grand-père à ce sujet. Une réflexion comme toujours, sans prétention de vérité, simplement pour ouvrir sur le sujet. J’ai, bien sûr, le recul de mon époque de grand-père alors que les valeurs sociales et économiques étaient bien différentes, mais je n’oserais jamais dire que, « dans mon temps », c’était mieux. Mes quelques décennies d’expériences de vie peuvent aider également.

En fait, j’ai observé trois grands contextes qui me paraissent particulièrement anxiogènes, tant pour les parents que pour les enfants. À toi de voir en quoi ces contextes sont pertinents pour ta situation et, s’il y a lieu, comment tu peux en gérer les éléments pour plus de sérénité…

1.

D’abord, il y a l’omniprésence des écrans (téléphones, tablettes, téléviseurs). Une bien belle technologie, mais tellement invasive au point de supplanter aisément la présence des gens entre eux, quand on voit un petit groupe où chacun est rivé sur son écran (!) ; ou encore un parent, au parc, qui trouve plus intéressant de consulter son petit écran pendant que son enfant aimerait bien qu’on l’observe à grimper dans les structures de jeu…

Il y a une forte attraction : les émotions sont intensément stimulées par des attaques sans vergogne des réseaux sociaux, par des images et des vidéos bizarres imprégnées de violence et de confusion sexuelle, etc., le tout diffusé en rafales, sans espaces pour un minimum de discernement, bref tout ce qu’il faut pour nous blaser du monde réel. Une solitude s’installe, ainsi qu’une sorte de désintéressement des gens qui nous entourent; il n’en faut pas plus pour amorcer une émotion d’anxiété qui s’enracine par l’addiction émotive à ces écrans. Et pourtant, on sait que le monde réel, en relation avec des vraies personnes et avec la nature, demeure un antidote éprouvé contre l’anxiété. Une meilleure gestion des écrans et de leur contenu s’impose…

2.

Comme deuxième contexte, il y a cette croyance à la mode que l’enfants est d’une fragilité telle que la moindre contrariété ou manifestation d’autorité risque de le traumatiser au point de ruiner son estime de soi et, par le fait même, sa propre vie. Cette croyance a sûrement émergé en réaction à des abus ou négligences présents ou passés, envers les enfants; mais aussi, selon moi, certains parents trouvent, dans cette croyance, une façon de valoriser leur sens de responsabilité parentale. Ainsi, même les comportements inacceptables de cet enfant sont tolérés ou, au mieux, rationalisés afin d’éviter le moindre semblant d’autorité ou de frustration du parent. Il s’agit surtout de « booster » son estime de soi en lui rappelant souvent comment son statut d’enfant et ses agissements sont sources d’un grand bonheur pour ses parents. Également, qu’il faut le stimuler continuellement afin de maximiser ses connaissances et ses facultés créatrices, sans oublier de le valoriser généreusement pour ses moindres gestes positifs question de stimuler sa motivation.

Avec ces croyances poussées suffisamment loin, l’enfant finit par se voir comme le centre de la maisonnée, la vedette, celui autour duquel tout est organisé selon ses goûts. Et cela devient une source d’anxiété pour l’enfant : ses interactions avec les autres manquent de repères et une certaine incompréhension s’installe. De plus, la responsabilité du bonheur de ses parents lui apparaît, non seulement comme un fardeau, mais lui projette une image dévalorisée de ceux-ci incapables d’être heureux par eux-mêmes, donc indignes d’une autorité sécurisante. Également une source d’anxiété pour les parents qui, à voir les quelques symptômes d’anxiété chez leur enfant, craignent de ne pas en faire suffisamment pour éviter traumatismes et estime de soi blessé… C’est comme un cercle vicieux ? Un changement de croyance et l’instauration d’un encadrement équilibré s’impose.

3.

Comme troisième contexte, certains parents ont adopté un mode de vie (travail-consommation) particulièrement accaparant au point tel que le seul temps disponible pour leur enfant, c’est lorsqu’il vit un problème. Un peu comme une déformation professionnelle de leur emploi qui consiste, comme beaucoup d’emplois, à essentiellement gérer des problèmes. La relation parent-enfant en est donc une où l’enfant se valorise d’être un problème (peu reluisant comme image de soi), comme étant la seule façon d’avoir l’attention de ses parents. On comprend qu’une relation parent-enfant basée sur des problèmes sera probablement anxiogène, tant pour l’enfant que pour les parents. Pourtant, on sait pertinemment que le meilleur temps à passer avec son enfant, c’est dans les « temps sans problème » : moments de présence, de confidences, d’écoute, de jeu, de rires, et même pour rappeler quelques règles et attentes à l’égard de la vie de famille, etc. Bref, des temps propices à déboulonner toutes anxiétés.

J’espère que les quelques réflexions ci-haut sauront t’éclairer pour t’aider à rétablir confiance et sérénité dans la vie.

Bien sûr, la vie familiale en soi constitue un réel défi : conciliation travail-famille (ou, plus rarement, famille-travail…), garderie, école, horaires chargés de cours et d’évènements de toutes sortes, heures du coucher, loisirs, amis, repas, ainsi que le souci de transmettre les « bonnes valeurs » aux enfants, etc. Sachons donc reconnaître qu’une anxiété est souvent le symptôme d’une situation à corriger et qu’elle ne doit pas empêcher une gestion familiale saine, où les personnalités de chacun sont respectées, les petits conflits sont réglés équitablement, où chacun se sent aimé et en sécurité, le tout baignant dans une ambiance affectueuse et bien encadrée.

Il y a bien ces quelques inconforts existentiels face aux grands questionnements de la Vie. Et les enfants n’y échappent pas. Mais l’expérience de la Vie et un milieu familial supportant parviennent généralement à apaiser tout ça.

 

Grand-Papa Pierre.

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