6 septembre 2023
L’autorité familiale. Ce qu’en pense Grand-Papa Pierre.De tous temps, le concept même d’autorité comporte un élément de controverse. Ce qu’on comprend de l’autorité: des gens décident ce que d’autres doivent faire, ceux-ci qu’ils le veuillent ou non, ce qui ne manque pas de susciter parfois abus et résistances en lien avec des exigences de performances ou face à des dynamiques d’addiction au pouvoir. Considérant qu’une certaine autorité est nécessaire pour que nos sociétés et organismes fonctionnent correctement, elle fait partie de nos vies d’employés, de gestionnaires, de professeurs, d’entrepreneurs, de politiciens, etc. Et ce, tant bien que mal.
Mais qu’en est-il de l’autorité dans nos familles? Et, selon toi, pourquoi aurions-nous besoin d’une autorité dans la famille? En fait, la famille est cette petite communauté particulièrement intime où il y a des enfants et des parents; des gens qui vivent ensemble avec des valeurs et des besoins différents de par leur âge, leur genre et leurs activités respectives telles que les études, le travail, etc. Voilà donc un contexte bien particulier, très différent des organismes et entreprises « classiques ». On comprend que des règles de « vivre ensemble » s’imposent pour préserver une certaine harmonie, ces règles seront d’une autorité particulière qui doit tenir compte de l’enfant et du parent.
En ce qui concerne l’enfant, on pressent bien la nécessité qu’il soit guidé, de la naissance à l’âge adulte : un beau défi que de fournir l’encadrement favorisant son autonomie, son bonheur et même son engagement dans la société; tout en tenant compte de ses besoins bien réels de grandir, de découvrir et d’expérimenter ce nouveau corps humain en interaction avec le monde merveilleux de tout ce que la Vie a à offrir.
En ce qui concerne le parent, on pressent bien la nécessité de poursuivre sa vie d’adulte et aussi de « survivre » à cette période exigeante que d’élever des enfants, et même d’en ressortir contents du devoir accompli et, possiblement, d’avoir pu créer des liens d’amitié avec ses enfants.
Selon moi, l’autorité familiale a pour but essentiellement de réconcilier ces deux nécessités : celle de l’enfant et celle du parent. Pour y arriver, donnons un sens à cette autorité particulière, non pas centrée sur le contrôle mais plutôt sur l’équilibre des besoins de chacun: disons une manière d’être des parents, bienveillante pour tous les membres de la famille, menée davantage par l’exemple et l’influence, plutôt que par le pouvoir. Bien sûr, certaines situations peuvent nécessiter l’application du pouvoir lorsque la sécurité de la vie est en péril ou encore, parfois, lorsque l’enfant se braque dans une position intenable.
Cette manière d’être se caractérise par la conscience des émotions et des besoins de chacun sur la base d’une communication simplement authentique. Voici donc quelques exemples.
Mon fils allait dans mon atelier pour y bricoler et laissait à la traîne mes outils que parfois j’avais de la difficulté à retrouver. Je l’informe de ma frustration mais rien ne change. Je pense à verrouiller la porte de mon atelier ce qui constituerait alors l’application directe de mon pouvoir. Mais, après réflexion, je conclus que cette situation est signe d’un besoin chez mon fils. Je lui propose donc d’installer un petit établi dans sa chambre avec ses propres outils (ce qui est à peine plus d’ouvrage que de verrouiller mon atelier). Il accepte avec joie et m’aide même dans ce projet. Conflit de besoins réglé avec, en prime, une meilleure relation parent-enfant.
Ma fille laissait tous ses jouets traîner dans sa chambre, ce qui rendait difficile d’y circuler. Malgré certaines demandes de remettre sa chambre à l’ordre, rien ne changeait. Après réflexion, je conclus que ce désordre avait pris des proportions qui décourageaient ma fille. Je lui ai proposé qu’on fasse le ménage ensemble et qu’on en profiterait pour mettre de côté les jouets qui ne servaient plus. Résultat : un beau moment avec ma fille, une chambre propre et une meilleure relation parent-enfant.
Mon fils enfant qui ne veut pas se coucher, en prétextant qu’il veut jouer et peut-être passer un peu de temps privilégié avec son parent en cette fin de journée. Après réflexion et considérant que j’étais disposé à acquiescer à sa demande, je passe une première période de jeu, une deuxième et une troisième alors que je voyais bien que la fatigue le gagnait et le rendait encore plus insistant. C’est alors que, d’une voix forte associée à mon pouvoir de parent, je lui dis : « C’est assez! » Il comprend alors mon impatience bien légitime et se couche sans plus tarder. Quelques minutes plus tard, je l’entends qui me dit de sa chambre : « Je t’aime papa! » Cette application franche de mon pouvoir par la voix lui a fait comprendre qu’il avait atteint la limite de ma patience et qu’il avait oublié de ressentir son besoin réel de dormir.
Lors d’un anniversaire, deux de mes enfants se ruent sur le gâteau de fête se préparant à goûter au glaçage avec leurs doigts. On a beau leur dire de ne pas toucher au gâteau… Cette demande est sans effet. Il reste le pouvoir bienveillant d’aller auprès d’eux et de les éloigner physiquement du gâteau. Ils avaient besoin d’une manifestation concrète de notre demande…afin de contrer la tentation trop forte de goûter au glaçage; la demande à distance ne suffisait pas. Le besoin que le gâteau soit intact est préservé et les enfants ont compris qu’ils devront attendre pour y goûter.
Lors de la visite d’un oncle, mon fils qui l’aimait beaucoup, ne cessait de le harceler pour se chamailler avec lui, ce qui rendait la conversation pratiquement impossible. Après réflexion, je dirige mon fils vers sa chambre et lui explique en privé que nous avons besoin de parler avec son oncle et que de se chamailler avec lui nous dérangeait vraiment. Lorsqu’il revenu au salon, il était plus calme d’avoir compris notre besoin et aussi que l’on ait pris un temps privilégié avec lui pour le lui expliquer.
Je te laisse le soin d’expérimenter à ta façon cette harmonisation des besoins en situation de comportements inacceptables de l’enfant.
Une règle de base indispensable à cette « manière d’être », c’est de passer du temps privilégié avec ton enfant : un jeu, une conversation, une promenade, une sortie au restaurant, une aide pour un bricolage, etc. L’enfant a besoin de ce temps relationnel avec son parent. Le parent connaît ainsi mieux son enfant et vice-versa; le parent accroît aussi son influence sur l’enfant qui aura tendance à mieux collaborer; et celui-ci n’a pas besoin de devenir un problème pour avoir de l’attention puisqu’il a déjà le meilleur de l’attention, celle sans problème…
À première vue, le parent peut voir cela comme une tâche ou une sorte d’empêchement à ce qu’il veut faire. Erreur! Ce sont des occasions de reposer le mental d’adulte en l’accordant au mental de l’enfant, tellement simple, dans le moment présent…
Que ton autorité familiale devienne une manière d’être en bonne relation avec toi-même et tes proches. À toi de découvrir celle qui te convient.
Grand-Papa Pierre.