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1 mai 2023

Le vrai rôle du parent : ce qu’en pense Grand-Papa Pierre.

Rassure-toi : je n’ai pas la prétention de définir à moi tout seul le « vrai rôle du parent ». Mais quelle belle plateforme pour lancer une panoplie de questions et de réflexions sur le sujet. D’abord, il m’apparaît évident que chaque parent a sa propre idée là-dessus, plus ou moins précise; et on s’attend bien à ce que ça varie d’une personne à l’autre, d’une famille à l’autre, d’une culture à l’autre, d’un livre de psychologie à l’autre, selon l’expérience et les valeurs de chacun.

D’entrée de jeu, toi, comment vois-tu ton rôle en tant que parent? Accorde-toi un moment de réflexion pour te situer un peu avant de poursuivre la lecture…

Bien sûr, on s’entend pratiquement tous sur la responsabilité des besoins de base qui doivent être comblés : nourriture, vêtement, logement, éducation, soins de santé, etc. Mais on pressent bien que le « vrai » rôle du parent va au-delà de la satisfaction de ces fameux besoins de base; ce serait trop simple. Il demande quelque chose de plus subtil, de plus « éducatif ». C’est là que le rôle prend tout son sens. Il porte un objectif : former l’enfant, lui inculquer de belles valeurs, de bonnes habitudes de vie, pour son bonheur et son intégration dans la société, bref une « bonne éducation », ce qui est tout à fait louable.

Selon mon expérience et mes observations, on retrouve dans les familles certaines préoccupations qui peuvent nous aider à identifier des rôles spécifiques que les parents se sont donnés. En voici quelques exemples du genre.

La préoccupation que l’enfant mange des aliments sains (plus de légumes, moins de gâteaux) indique le rôle d’inculquer à l’enfant de bonnes habitudes alimentaires en vue d’une bonne santé. La préoccupation que l’enfant ait de bons amis indique le rôle de lui éviter les mauvaises influences. La préoccupation que l’enfant réussisse bien dans ses classes indique le rôle de lui faire acquérir un bon niveau de scolarité, gage de succès. La préoccupation de la politesse (on dit : « s’il vous plait et merci ») indique le rôle de lui inculquer un minimum de savoir-vivre pour mieux fonctionner en société. La préoccupation de l’éveil sexuel chez l’enfant indique le rôle de bien encadrer certains « instincts » pour éviter tout dérapage désobligeant (on évite les mots vulgaires et sales). La préoccupation qu’il s’entende bien avec ses frères et sœurs indique le rôle de lui inculquer la bonne entente et le partage avec les autres. La préoccupation de minimiser les actes d’autorité physiques et psychologiques indique le rôle d’éviter tout traumatisme qui pourrait constituer une entrave à sa créativité et à sa confiance. La préoccupation de le faire participer à des sports indique le rôle de lui faire développer une bonne condition physique, le goût de la compétition, ainsi que l’esprit d’équipe. Etc.

Quelle seraient les préoccupations auprès de ton enfant qui indiqueraient un ou des rôles que tu as entrepris pour lui inculquer une « bonne éducation »?

Comme on peut le constater, le rôle de parent peut avoir de multiples facettes selon le nombre d’attentes que tu as envisagées pour ton enfant. Par contre, on peut également constater qu’un rôle a généralement une fonction plus ou moins coercitive envers l’enfant, comme pour le garder ou le ramener dans le droit chemin. Bien que le rôle impose également une pression sur le parent qui se doit de rester cohérent avec l’objectif de son rôle, parfois au détriment de sa vie personnelle, nombreux sont les parents qui se sentent valorisés de prendre en charge l’avenir de leur enfant.

Dans ce contexte, il me vient une phrase d’un ami conférencier qui parlait justement de l’éducation des enfants :

« Tracez-leur le chemin! Montrez-leur le chemin! Mais enlevez-vous du chemin! ».

Cette phrase illustre une tendance chez certains parents : ils prennent leur rôle un peu trop au sérieux et perdent de vue ce que l’enfant lui-même ressent et vit, de façon telle qu’il peut difficilement exprimer sa propre responsabilité dans le contexte des exigences imposées par ce rôle.

Par ailleurs, rappelons-nous une réalité incontournable des relations humaines : les humains, incluant les enfants, ont besoin d’un temps privilégié avec une personne affectivement importante; pour tout enfant, un temps privilégié vécu régulièrement avec son parent est essentiel pour sa confiance en lui-même et en les autres, et pour sa propre estime. On parle d’un temps de présence, de jeu, de plaisir, de mots, de regards, de touchers, vécu dans un contexte pacifique et sans problème. Bien sûr, pour le parent, qui a accès à ce genre de temps privilégié avec son conjoint, ce besoin chez l’enfant peut passer inaperçu; surtout pour un parent constamment inaccessible, trop occupé qu’il est avec son travail, sa tablette, ses émissions télé, ses jeux vidéo, etc. En fait, certains parents sont particulièrement conditionnés aux émotions fortes des réseaux sociaux et des contenus internet; ils ont ainsi perdu leur sensibilité à l’égard du monde réel. Or les enfants, qui vivent bel et bien dans le monde réel, risquent ainsi de passer inaperçus…à moins de devenir un problème.

Nombreux sont les enfants qui, pour enfin avoir de l’attention autrement qu’à travers un rôle parental logique ou moral, ou pour réveiller un parent insensible, vont « saboter » le rôle en question et devenir un problème : problèmes d’apprentissage, de mauvaises influences (drogues, sexe, etc.), de mauvais comportements, etc. Curieusement, certains parents, au lieu d’y voir un signal de détresse de leur enfant, vont endosser le « problème » en consolidant leur position face à leur rôle qui s’en trouve alors valorisé par la difficulté additionnelle…On comprend le durcissement des positions de part et d’autre.

En conclusion : prendre soin de nos enfants en se donnant des rôles de parents pour qu’ils soient heureux et bien adaptés à notre société, c’est tout à fait louable. Cependant, quand on parle du « vrai rôle », l’enfant doit toujours demeurer le plus important, bien distinct du rôle. Il a toujours besoin de présence, d’écoute, de plaisir, dans le moment présent, bien au-delà du rôle et du bel objectif que le parent s’est fixé. Celui-ci doit d’ailleurs se rappeler qu’il est préférable d’accompagner l’enfant de façon bienveillante puisque c’est l’enfant lui-même qui demeurera pleinement responsable, s’il le veut bien, de l’objectif anticipé par son parent.

Que ton rôle de parent soit d’abord, pour ton enfant, d’être accompagné avec bienveillance vers un nouvel apprentissage; et pour toi, l’expérience simple et authentique que seuls les enfants peuvent nous offrir à travers leur regard tout neuf sur le monde.

Grand-Papa Pierre.

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