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5 mai 2017

Les punitions

Chers lecteurs et lectrices,

J’ai remarqué que, dans la plupart des familles,  nous avons recours à des punitions pour avoir un « certain » contrôle sur les agissements des enfants. Nombreux sont ceux pour qui cette forme de contrôle a sa raison d’être. Par contre, certains (dont moi-même) y reconnaissent des inconvénients importants. Considérant que les punitions ont une influence substantielle dans les dynamiques familiales, permettez-moi d’aborder le sujet. D’abord les punitions, on le sait, sont utilisées depuis  très longtemps. On a même l’adage « Qui aime bien châtie bien! ». Il est alors facile de justifier, au nom de l’amour pour nos enfants, la mise en œuvre de punitions puisque, comme on dit, c’est pour leur bien. Je me rappelle que dans mon « jeune temps » (c’est-à-dire, un peu plus d’un demi-siècle, ce qui n’est pas si lointain après tout), à la maison et à l’école, c’était tout à fait « normal » de bien châtier afin de casser les mauvais penchants. L’époque était moins subtile qu’aujourd’hui; alors on s’en tenait à des châtiments bien concrets qui devaient faire mal physiquement. Leurs conséquences psychologiques n’étaient pas moins réelles, même si on n’en parlait pas…

Avec le temps, cette pratique est devenue de plus en plus controversée pour des raisons évidentes : atteinte à l’intégrité physique de l’enfant, crainte de traumatismes physiques ou psychologiques, abus d’autorité, punitions trop sévères ou arbitraires, et, probablement même, constat de son inefficacité. C’est ainsi que les punitions physiques sont de nos jours pratiquement inacceptables. Finis les coups de courroie (communément appelée la « strap ») ou de bâton sur les mains ou encore la fameuse fessée, et bien d’autres choses… du moins dans notre civilisation occidentale. Aujourd’hui et dans notre pays, quand on parle de punitions, ce sont plutôt des privations, des restrictions, des amendes, bref une forme plus « civilisée » préservant au moins l’intégrité physique de la personne. Reconnaissons qu’il y a eu progrès.

Mais la notion de punition, même civilisée, demeure dans notre société et dans bon nombre de nos familles. Et le sujet est délicat parce qu’il porte généralement un certain malaise bien légitime considérant les questions qu’il soulève. Est-ce que la punition n’est pas assez, est assez ou est trop sévère? Comment tenir compte de l’âge de l’enfant? Est-ce que ça marche vraiment? Est-ce que l’enfant risque d’en garder des séquelles? Y aurait-il d’autres moyens pour que l’enfant agisse comme il se doit? J’invite le lecteur à réfléchir sur l’utilisation qu’il fait, s’il y a lieu, des punitions dans sa famille, ainsi que son expérience à ce sujet dans la famille qui l’a élevé.

Selon mon expérience et mes observations, tous ceux qui fonctionnent avec cette pratique n’en sont pas pleinement convaincus : c’est compliqué de déterminer la « bonne » punition et on appréhende toujours plus ou moins la réaction de l’enfant. Le malaise associé à « punition » a même inspiré un nouveau mot; aujourd’hui, j’entends souvent « conséquence »; on s’entend que ce n’est pas la conséquence directe de l’agissement mais celle établie par l’autorité. Ça sonne mieux à l’oreille, ça fait sans doute plus moderne. Mais je comprends mal comment, par exemple, se faire priver d’une sortie est la conséquence logique d’une note faible dans le bulletin… On s’entend que, dans les faits, ça veut dire « punition »…

Aucune punition, aussi parfaite soit-elle, ne peut avoir d’effet bénéfique sur la relation parent-enfant; au mieux, elle peut régler un problème… en maintenant toujours une vision problème-solution. La punition n’est que le résultat de cette vision particulièrement étroite… où l’on voit, non plus des personnes qui ont des besoins, des pensées, des valeurs, des idées, des projets, des talents, mais où l’on voit des personnes qui sont des problèmes. Et il faut donc les corriger.

Tout cela est transmis, bien sûr, avec les meilleures intentions et même de l’amour pour nos enfants. Mais l’image de soi et le sens des responsabilités risquent d’être affectés. L’enfant peut se dire d’un air soumis : « C’est au monde extérieur de décider ce que je dois faire et j’agis de façon à éviter les punitions. » Ou encore,  d’un air révolté : « Ce qu’on me demande de faire n’a aucun sens pour moi; j’en fais donc à ma tête malgré les conséquences puisque je suis un problème! »

En guise d’alternative à la punition, voici le résumé d’une situation qui revient dans mes souvenirs. Mon fils, vers l’âge de 10 ans, aimait bien aller dans mon atelier pour bricoler pendant que je n’y étais pas. Il laissait beaucoup de désordre et j’avais de la difficulté à retrouver mes outils. Je lui ai exprimé mon besoin de garder mon atelier en ordre, mais sans résultat. J’envisageai même de verrouiller mon atelier, ce qui aurait été une façon d’appliquer mon pouvoir. J’ai plutôt opté pour sonder la raison derrière ce comportement. J’ai été sensible à son besoin de bricoler lui aussi. Je lui ai donc proposé d’installer dans sa chambre une table avec des outils à lui. Il a accepté avec enthousiasme et a délaissé mon atelier sauf lorsqu’il avait besoin de mon aide, au moment où j’étais dans mon atelier, tel qu’entendu.

En abordant cette situation sur la base de satisfaction des besoins de part et d’autre, on enrichit l’estime de soi sans avoir à recourir à la punition. Autrement dit, derrière un comportement inacceptable de l’enfant, il y a souvent un ou plusieurs besoins lésés chez le parent et/ou chez l’enfant. Une démarche permettant de mettre à jour les besoins en cause et d’agir sincèrement pour les satisfaire peut harmoniser la situation et enrichir la relation parent-enfant… sans punition.

Bien sûr, les dynamiques familiales ont besoin d’une autorité parentale pour s’assurer que les besoins de tous et chacun, parents et enfants, soient comblés. Pas besoin de punitions pour cela. Je garde ce sujet pour une prochaine réflexion : l’application du pouvoir dans la famille.

Grand-Papa Pierre.

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