11 décembre 2019
Qu’est-ce que vous encouragez chez votre enfant?Chers lecteurs et lectrices,
Selon mes observations, je crois que nous sommes dans cette époque où l’on se préoccupe particulièrement du bon développement de notre enfant. Ma perspective de grand-père me fait voir, par exemple, que les jouets de ma propre enfance étaient peu nombreux et tellement « ordinaires »; on devait y ajouter beaucoup d’imagination pour les rendre attrayants. Les jouets d’aujourd’hui, de par leurs couleurs et leurs fonctionnements interactifs, sont tous plus stimulants les uns que les autres, ce qui fait, bien entendu, l’affaire des parents en termes de développement de l’enfant. De plus, pour élever nos enfants, ce n’est plus la maman à la maison qui, tant bien que mal, parvenait à intégrer le gardiennage de son enfant à ses tâches ménagères quotidiennes; aujourd’hui, nous avons des garderies avec éducatrices spécialisées, notamment à stimuler le développement de l’enfant. Et pour appuyer tout ça, les statistiques de développement physique et mental de nos enfants sont de plus en plus présentes.
Sachons reconnaître ce progrès : les enfants d’aujourd’hui m’apparaissent beaucoup plus éveillés que jadis quand je les compare au niveau d’éveil de ma propre enfance. Là n’est pas ma préoccupation. Ce sont plutôt les parents. Selon certaines observations, on dirait que leur relation avec leur enfant se veut essentiellement stimulations et encouragements, comme s’ils oubliaient d’être simplement eux-mêmes.
Les situations les plus typiques concernent, en exemple, les comportements suivants.
- Le jeune enfant griffonne avec son crayon. Bien sûr, le parent veut l’encourager dans cette activité qu’il considère créative, alors il s’empresse de lui dire : « Il est tellement beau ton dessin! » Pour l’enfant, il y a confusion : une gratification qui ne correspond pas à l’effort de son « barbeau »; il ne fait qu’expérimenter et peut croire que, peu importe ce qu’il fait, les autres trouveront toujours ça beau, ce qui n’est pas la réalité. Selon moi, mieux vaut encourager l’enfant pour des dessins qui demandent une réelle implication de sa part : tracer des lettres, dessiner ce qu’il voit sur une table, ou encore décrire ce qu’il a voulu exprimer par son dessin, etc.
- Un jeune enfant qui en est à ses premiers cacas dans le pot. Bien sûr, le parent veut l’encourager à devenir propre en lui disant : « Bravo! Tu as fait un beau caca dans le pot! » La réalité c’est que devenir propre n’est pas un exploit en soi mais un processus naturel. Le meilleur encouragement concerne davantage la réalité du parent qui pourra plutôt lui dire : « Je suis content que tu deviennes propre comme nous car c’est moins d’ouvrage pour nous et plus besoin d’acheter de couches. »
- Un autre exemple serait de féliciter l’enfant qui a mangé tous ses légumes. À bien y penser, en quoi est-ce que manger des légumes est également un exploit? N’est-ce pas confirmer combien les légumes ont si mauvais goût? Quelle mauvaise réputation à donner à cette nourriture! Il s’agit plutôt de simplement offrir et manger des légumes en nous rappelant cette réalité qu’ils sont bons pour la santé à cause des vitamines et des fibres qu’ils contiennent.
- Un autre exemple concerne l’enfant à réussir dans ses études en lui offrant, disons, une récompense pour l’encourager. À noter qu’un jeu vidéo comme récompense risque de nuire à ses études… Quoiqu’il en soi, oubliez l’encouragement-récompense qui dit à l’enfant : « Je sais que tu es capable de réussir mais que tu es incapable de te motiver par toi-même». Or, réussir ses études est une responsabilité « normale » de la vie; c’est donc à lui d’y trouver sa propre motivation. Le meilleur encouragement de la part du parent serait de simplement s’intéresser à ses études et de l’aider si nécessaire, pour ainsi mettre en évidence la valeur des études et créer du même coup une opportunité de relation et d’estime de soi chez l’enfant.
- Un autre exemple typique est celui de l’enfant un peu trop turbulent dans un contexte donné. Le parent n’ose pas trop intervenir craignant de nuire supposément à l’expression de sa personnalité en lui disant affectueusement: « Toi, mon vilain petit coquin! ». Voilà une forme d’encouragement à la mode en cette époque où il y a quelque chose de mignon à être coquin, même détestable. L’encouragement à être détestable au détriment de l’entourage fait croire à l’enfant qu’il est au-dessus des besoins des autres. Avant qu’il n’adopte une vision égocentrique de lui-même, il est préférable de l’informer clairement que son comportement dérange et qu’il s’expose ainsi à des conséquences.
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Un autre exemple est celui de l’enfant malade. Bien sûr, prendre soin de quelqu’un de malade est une belle preuve d’amour et de dévouement. Par contre, lorsqu’on attend que notre enfant soit malade pour s’en occuper et en prendre soin (la vie nous accapare tellement), c’est bel et bien une forme d’encouragement à la maladie plus ou moins explicite. On comprend que s’occuper et prendre soin de notre enfant même quand il est en bonne santé, cela permet d’encourager la collaboration et l’absence de problème et même la santé.
Je laisse le soin au lecteur de bien mesurer la signification de ses encouragements face aux comportements de son enfant. Mais voici quelques pistes…
Encourager des comportements qui n’ont pas vraiment de mérite risque d’inciter à la nonchalance. Encourager des comportements qui font naturellement partie de la vie peut avoir un impact de déresponsabilisation. Encourager des comportements désagréables, en les habillant de fausses acceptations par peur de frustrer l’enfant, peut donner à l’enfant la croyance que les autres sont obligés d’endurer son caractère égocentrique. Etc.
Au-delà de bien mesurer la signification de vos encouragements, je vous encourage à nourrir la relation avec votre enfant sur une base de vos besoins et valeurs mutuels. Apprendre à être en relation authentique avec les autres constitue le développement le plus fondamental. Et cela fait aussi partie de notre époque.
Grand-Papa Pierre